L’avenir de la bijouterie fantaisie selon Dominique Gruson

Dominique Gruson, associé gérant de la SOCIETE NOUVELLE JANVIER GRUSON PRAT, nous confie sa vision de la Bijouterie Fantaisie, ses enjeux et l’avenir de la filière en France.

Crédits photos : © SOCIETE NOUVELLE JANVIER GRUSON PRAT

Dominique Gruson a plusieurs casquettes : Président de la FACIM (Fédération nationale des fabricants de fournitures administratives civiles et militaires), président de la CFMA (Confédération Française des Métiers d’Art), vice-président trésorier de l’UFIMH (Union française de l’Industrie de la mode et de l’habillement). Mais c’est en tant qu’associé gérant de la SOCIETE NOUVELLE JANVIER GRUSON PRAT que Le Journal de la Bijouterie l’interview aujourd’hui. Car son entreprise fait partie de ces fabricants sans qui la créativité des marques ne pourrait pas s’épanouir. Rencontre avec un monsieur passionné et passionnant, sur son métier et sa vision de l’avenir de la bijouterie fantaisie.

LJDLB On connaît le nom ARTMETAL pour avoir vu votre stand dans de nombreux salons professionnels. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre entreprise ?

DG La SOCIETE NOUVELLE JANVIER GRUSON PRAT est une entreprise familiale. Je suis la 7ème génération d’une activité créée en 1840. Mon père a également racheté une entreprise fondée en 1814 qui fabriquait des boutons métalliques. Il a investi dans la galvanoplastie pour pouvoir assurer la dorure/argenture des pièces. Au fil des décennies, l’entreprise s’est structurée autour de deux marques : ARTMETAL pour le BtoB et ORNALYS pour le BtoC.

LJDLB  Quel est votre cœur de métier ?

DG Nous sommes graveurs estampeurs : notre métier consiste à graver une matrice en acier qui donne le dessin, et une fois que cette gravure est faite, on la trempe à très haute température afin que l’acier ne bouge plus. Cette matrice peut ensuite être frappée avec une masse. L’estampage consiste à frapper, à froid, une pièce en cuivre, qui va prendre la forme de la gravure. La forme obtenue devient un apprêt pour la bijouterie. Nous travaillons le cuivre demi rouge (cad : 85% de cuivre et 15% de zinc), utilisé pour la bijouterie, mais aussi le laiton (un alliage avec plus de zinc, de couleur plus jaune), utilisé pour le luminaire et l’ameublement. Nous pouvons également travailler l’argent.

Crédits photos : © SOCIETE NOUVELLE JANVIER GRUSON PRAT

LJDLB Et tout est fabriqué en France ?

DG  Notre site historique était à Paris en plein Marais mais nous avons déménagé l’outil de production à Savigny le Temple en Seine et Marne. Ce qui ne fut pas une mince affaire : 35 tonnes de stock en tout ! Quand la société d’origine a été créée (VENNIN puis PELTIER puis JANVIER), l’entreprise comptait 10 000 modèles. Aujourd’hui nous en avons 120 000 !

LJDLB  Les ateliers de fabrication se font de plus en plus rares en France. Quelle est votre secret pour résister ?

DG  Nous sommes fidèles à nos valeurs et les clients suivent, même si beaucoup ont disparu. Notre fabrication est artisanale et 100% Française, nous avons obtenu le label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) en 2005. Toute la production sort de notre atelier seine-et-marnais. Nous façonnons le métal comme de la dentelle. Notre savoir-faire nous permet de répondre à des demandes très spécifiques de nos clients. En tant que membre de la BOCI (dont je suis l’ancien président) nous sommes en contact avec d’autres fournisseurs aux techniques complémentaires, ce qui nous permet de répondre à des demandes très particulières.

LJDLB Quelle est la part de la production consacrée à la bijouterie ?

DG  Un peu moins de la moitié. Nous réalisons 1 million de CA, dont 50% en boutons (pour l’Armée et la Mode) et 50% en apprêts pour la bijouterie, l’ameublement et le luminaire. L’export représente 20%.

LJDLB Quelle est la part du BtoB par rapport au BtoC ?

DG Le BtoB est l’essentiel de notre activité. La marque ORNALYS a été créée pour répondre à une demande grandissante en bijouterie fantaisie : celle de créateurs (trices) ne possédant pas le savoir-faire pour l’assemblage des apprêts. Nous proposons des collections en no-name à une clientèle de professionnels, et des collections en vente directe aux particuliers sur le site internet de la marque. Les modèles sont faits en cuivre, agrémentés de cristaux Swarovski et teintés en or, argent, bronze ou canon de fusil.

Crédits photos : © SOCIETE NOUVELLE JANVIER GRUSON PRAT

LJDLB Le marché est-il stable ?

DG  Il a beaucoup évolué depuis le COVID. Beaucoup de boutiques ont créé leur site internet pour vendre en BtoC. Le marché italien, très frappé par la pandémie, a beaucoup baissé. En France, de nombreuses entreprises ferment. A titre d’exemple, au sein de notre Chambre Syndicale, de 150 adhérents nous sommes passés à 100.

LJDLB  Comment voyez-vous l’avenir du secteur de la bijouterie fantaisie ?

DG  Le monde évolue et notre filière doit s’adapter. Les critères EPV bougent, et nous devons intervenir sur l’évolution de ces critères. Le RSE nous force à trouver des solutions pour une industrie moins polluante. Par exemple, la galvanoplastie (technique qui consiste à déposer une fine couche de métal sur un objet en utilisant un courant électrique) est toujours largement utilisée dans notre industrie mais également critiquée car elle utilise du cyanure. Une nouvelle technique pour donner une apparence de doré a fait son apparition : le vernis cataphorèse. C’est une technique qui consiste à immerger la pièce dans un bain de vernis. Il permet d'obtenir un traitement très résistant à un prix compétitif.

Crédits photos : © SOCIETE NOUVELLE JANVIER GRUSON PRAT

LJDLB Utilisez-vous les nouvelles technologies ?

DG Aujourd’hui, créer un nouveau modèle coûte très cher (10000 euros). On se tourne de plus en plus vers les techniques de découpe laser. Nous utilisons également la 3D (pour les boutons).

LJDLB  Pensez-vous que le « made in France » a encore sa place dans cette filière ?

DG Plus que jamais, c’est un patrimoine que nous constituons d’année en année. Mais vu les coûts de production, c’est clairement le luxe qui « tire » le made in France.

LJDLB  Pour le mot de la fin, pouvez-vous nous donner un indice sur les motifs les plus demandés par vos clients ?

DG  La bijouterie fonctionne comme la mode, c’est un éternel recommencement et les tendances vont et viennent. Cette année nous vendons beaucoup de fruits de mer (moules, coquilles Saint-Jacques), après avoir vendu beaucoup de poissons et de homards. L’an dernier, c’était la folie des insectes, des scarabées, des abeilles et des serpents. Ce qui est magique, c’est de constater que des créateurs choisissent des estampes très anciennes qui existent dans nos tiroirs depuis des générations.