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Les défis du secteur horloger selon Pierre Burgun, PDG de Pierre Lannier et Président de France Horlogerie
Le Journal de la Bijouterie a interviewé Pierre Burgun, PDG du groupe Pierre Lannier et Président de France Horlogerie, sur l’actualité du secteur horloger et les défis de la filière, en France et à l’étranger.

Crédit photo : © Pierre Lannier
Entre les salons professionnels, les nouveautés des marques et la première édition de la Journée Internationale de l’Horlogerie (le World Watch Day), la rentrée fut riche en événements pour le secteur horloger. Le Journal de la Bijouterie en a profité pour interviewer Pierre Burgun, PDG du groupe Pierre Lannier et actuel Président de France Horlogerie, sur l’actualité horlogère et les défis de la filière.
LJDLB : Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots l’historique de votre marque et son positionnement actuel ?
PB : La marque Pierre Lannier a été créée en 1977 par mes parents. Notre positionnement est celui des montres accessibles, avec un panier moyen oscillant entre 100 et 300 euros. Les montres les plus chères sont les automatiques, de 200 à 350 euros, ce qui reste très abordable pour ce genre de montre. A savoir que l’automatique a vraiment changé la donne pour Pierre Lannier ces dix dernières années : dans la gamme de prix à moins de 500 euros, nous avons 30% de part de marché en montres automatiques.
LJDLB : Une des particularités de votre entreprise est d’avoir relocalisé une grande partie de la production en France, en Alsace plus précisément. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce choix audacieux ?
PB : Le made in France n’est pas qu’une mode, c’est une véritable prise de conscience. Jusqu’en 2001, nous fabriquions toutes nos montres en France. A partir de 2001, pour rester compétitifs face à la concurrence chinoise, nous avons délocalisé 80% de notre outil de fabrication à Madagascar en ne gardant que 20% sur l’hexagone. Dans les années 2010-2015, nous avons progressivement réintroduit la fabrication en France. Aujourd’hui, 85% de nos modèles sont fabriqués en France, sur notre site de production en Alsace. C’est un choix stratégique qui s’inscrit dans la durée. Au final, c’est le consommateur qui choisit et le made in France, s’il n’est pas l’argument principal dans le choix d’une montre, est le détail qui peut faire pencher la balance.

Crédit photo : © Pierre Lannier
LJDLB : D’où la collection Elysée ?
PB : Nous avons la licence pour utiliser le terme « Elysée », ce qui nous permet de distribuer cette montre dans la boutique de l’Elysée, sur leur site et maintenant dans la boutique physique, en plus de notre réseau de distribution. Au-delà de la fabrication française, cette montre évoque la France dans toute sa symbolique (la République, Liberté Egalité Fraternité). C’est une de nos meilleures ventes, en France comme à l’étranger, où notre pays véhicule une très bonne image.
LJDLB : Vous avez lancé la marque « 1977 » cette année. Elle a son propre site internet et son propre marketing. Quelle est la stratégie de cette nouvelle marque ?
PB : 1977, c’est un autre monde, un autre merchandising. Nous avons lancé la marque début 2025. Elle correspond à des montres d’exception, entièrement fabriquées et assemblées en France. Leur prix varie entre 1500 et 2000 euros. Chaque année, on lance des séries limitées et millésimées, accompagnées de la citation d’un auteur. On peut s’attendre à ce que certains modèles deviennent collectors. On s’adresse à des amateurs de montres. Nous étions présents à la journée We Love Watches à la Samaritaine samedi dernier et nous avons reçu un excellent accueil de la part d’une clientèle d’initiés.
LJDLB : Quel est votre chiffre d’affaires et quelle est la part du digital ?
PB : Nous réalisons 16 Millions de chiffre d’affaires, dont 7% sur notre e-shop. Nous sommes fidèles à nos revendeurs qui forment un socle solide de notre circuit de distribution.
LJDLB : Et l’international ?
PB : L’export représente actuellement 20% de notre chiffre d’affaires, les trois premiers pays étant le Japon, l’Arabie Saoudite et l’Allemagne. L’international est un axe de développement primordial, avec des potentiels énormes. L’Inde par exemple est en train de devenir un véritable eldorado pour le secteur horloger ; nous prévoyons qu’il devienne le premier marché.
LJDLB : Parlons un peu de France Horlogerie dont vous avez pris la présidence en juin dernier. Comment se porte le secteur et quels sont les grands chantiers que vous allez actionner pendant votre mandat ?
PB : Le marché de l’horlogerie est très stable. Et si on a constaté une augmentation de 15% de la fabrication locale en 2024, seulement 2% des montres vendues en France sont fabriquées dans l’hexagone. C’est pourquoi le principal chantier sur lequel nous travaillons est celui de la réindustrialisation de l’horlogerie française. D’ailleurs, la montre figure dans le programme gouvernemental de réindustrialisation des 5 objets du quotidien (lin, vélo, chaussure et jouet) identifiés en novembre 2022. Avec le soutien de Francéclat, France Horlogerie a souhaité candidater à l'appel à Projet France 2030 avec la création d'un Espace Collaboratif d'Innovation (ECI).

Crédit photo : © Pierre Lannier
LJDLB : Pouvez-vous nous en dire plus sur cet ECI ?
PB : Implanté à Besançon, berceau historique de l’horlogerie française, l’ECI est un concept novateur fondé sur une approche collaborative impliquant les différents acteurs de la filière. Concrètement, l’ECI propose, sur la base des besoins identifiés par les entreprises et en coordination avec l’écosystème local, 3 types de prestations principales : 1- des services en libre accès pour les abonnés comme un guichet unique et un club business, 2- des prestations à la carte payantes (tel que l’accès à un studio de conception et de prototypage) et 3-des lieux d’échange et de rayonnement (ex. espaces de coworking et des ruches d’idées…).
LJDLB : Les RDV « Grappes d’Entreprises » que nous évoquions la semaine dernière dans nos colonnes en font partie ?
PB : Absolument ! Cette rencontre entre le besoin industriel et l’offre de formation locale nous permet de construire un écosystème plus performant. A titre d’exemple, il n’y avait plus de fabricant de cadrans en France. Notre task force a permis d’identifier de nouveaux fabricants. Actuellement, nous travaillons sur les boitiers pour pouvoir également les faire fabriquer en France.
LJDLB : Que représente l’horlogerie en France ?
PB : Le secteur pèse 400 millions d’euros de chiffre d’affaires (dont 100 millions pour les montres) et emploie 3000 personnes. L’ECI, porté par France Horlogerie, ambitionne à horizon 2030 de créer 1200 emplois et 240 millions d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires, tout en réduisant l’impact carbone.
LJDLB : Pour conclure, comment voyez-vous l’avenir du secteur ?
PB : Je suis très confiant car on assiste à une vraie prise de conscience de la part de la profession pour réindustrialiser nos savoir-faire en France. De plus, depuis une dizaine d’année, on voit arriver de nouvelles marques, des jeunes créateurs horlogers, des entrepreneurs passionnés par l’horlogerie et la beauté de l’objet, venant d’horizons très différents. Ils apportent un souffle nouveau à la profession, un regard extérieur et une créativité débridée qui crée une dynamique au marché et challenge les plus gros. Preuve en est, le nombre de marques françaises présentes au salon de Hong Kong, qui a triplé en 10 ans. L’horlogerie française a de belles années devant elle !

Crédit photo : © Pierre Lannier