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Claire’s en redressement judiciaire
L’enseigne de bijoux à bas prix Claire’s vient d’être mise en redressement judiciaire par le Tribunal de Paris

C’est un coup dur pour la bijouterie (très) fantaisie : l’enseigne Claire’s, largement présente sur le territoire hexagonal, vient d’être mise en redressement judiciaire par le Tribunal de Paris. En France, la marque compte 1258 salariés et 239 boutiques (source : CFDT), en centre-ville et dans des centres commerciaux. Elle est bien connue des adolescentes pour ses bijoux et accessoires à très bas prix.
Une procédure de redressement judiciaire pour l’enseigne Claire’s
Le Tribunal des activités économiques de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire le 24 juillet dernier, avec une période d’observation de six mois. L’enseigne a un semestre pour trouver un repreneur. Dans le cas contraire, le Tribunal mettra fin à l’activité de l’entreprise en France en prononçant sa liquidation judiciaire. Les avocats des représentants des salariés redoutent de nombreux licenciements.
Une concurrence internationale féroce sur les bijoux à très bas prix
Pour bien comprendre les enjeux actuels de l’enseigne, il faut remettre son business model dans son contexte. Claire’s distribue essentiellement des bijoux et accessoires à très bas prix fabriqués massivement en Asie. Comme d’autres marques de produits à très petits prix et peu de valeur ajoutée, Claire’s doit faire face à une concurrence accrue de plateformes chinoises aux pratiques commerciales très agressives : Shein et Temu.
D’autre part, la maison mère de Claire’s, basée aux Etats Unis, traverse, elle aussi, une période de turbulences avec l’augmentation des droits de douanes imposés par Donald Trump sur les produits chinois. Cette nouvelle donne géopolitique remet en question le modèle économique de l’enseigne : miser sur le volume ne suffit plus face à des concurrents digitaux exemptés de coûts de distribution et de droits de douane.
Enfin, un éclairage plus macro de la situation fait apparaître que Claire’s France appartient à un groupe international au montage financier complexe. La branche française pourrait faire les frais de décisions stratégiques motivées par la rentabilité globale du groupe.
Une situation incompréhensible au regard des chiffres de l’entreprise Claire’s
Claire’s France, qui dépend de la filiale britannique, a dégagé un bénéfice net de 1.3 millions d’euros entre fin 2023 et fin 2024, contre 0.8 millions d’euros sur l’exercice précédent, alors que ses ventes ont baissé de 142 millions d’euros à 132 millions d’euros. D’autre part, l’entreprise affiche une rentabilité financière de 51%.
Interrogés par Le Journal de la Bijouterie, les avocats des représentants du personnel, Maître Khaled Meziani et Maître Eve Ouanson, s’interrogent sur les véritables motivations de la mise en cessation de paiement : « Deux éléments de ce dossiers nous choquent : le non-respect de la procédure d’information et de consultation du CSE Claire’s France (précisément sur le défaut d’information préalable et utile, qui n’a pas été communiqué aux élus) et le défaut d’information sur les flux de trésorerie (pas de justification sur la raison pour laquelle en l’espace de 6 mois, l’entreprise dépose une déclaration de cessation de paiement) ».
Et Maître Khaled Meziani de renchérir : « La société CLAIRE’S France affichait un résultat net de 1,36 M USD sur l’exercice clos en janvier 2024, en progression de 51 % par rapport à l’exercice précédent, traduisant une rentabilité renforcée. Qui plus est, le 12 décembre 2024 la direction annonçait aux élus du CSE que « le Groupe n’avait pas perdu d’argent en terme d’EBITDA et que l’actionnaire du Groupe était très solide ». Six mois plus tard, elle convoque une réunion extraordinaire en vue de la cessation de paiement. Aucun accident industriel ou commercial ne peut expliquer cela ».
Quant à Véronique Achille Revillod, secrétaire général de la CFDT Services, qui a tenu à être aux côtés des salariés au tribunal, elle s’étonne des chiffres présentés par l’entreprise qui était encore bénéficiaire l’an dernier, et s’interroge sur les raisons pour lesquelles l’entreprise a demandé un redressement judiciaire.
Un plan de redressement judiciaire ne signifie pas forcément une liquidation. Une autre issue est possible : un plan de continuation, avec ou sans repreneur. Dans un tout autre registre, celui de la petite joaillerie, la marque Atelier Paulin avait annoncé en juin dernier la validation de son plan de continuation. Son fondateur avait réuni les éléments nécessaires pour convaincre le Tribunal de mettre fin à son plan de redressement judiciaire.
Rendez-vous dans 6 mois pour connaître le sort de Claire’s en France et celui de ses 1238 salariés.
Crédits photos : © Le Journal de la Bijouterie